« Cependant elle dut étudier les artifices du métier qu’elle faisait, même les plus secrets. Cet apprentissage, par les révoltes qu’il lui donna, par le sentiment qu’elle eut de devenir une machine impure, la fit frémir encore d’humiliation perverse. Mais le dérèglement charnel a des bornes vite atteintes lorsqu’une passion mutuelle ne les déplace pas à l’infini » Joseph Kessel, Belle de Jour, 1928
« C’est une faute professionnelle de ne pas avoir de chance », me confie l’auteur de ce nouvel opus consacré à Madame Claude, une des femmes les plus puissantes de la V° République dans les années 1960-1970.
Madame Claude, le Parfum du Secret, édité chez Fayard, aurait pu être un « énième » témoignage autour de la célèbre « Maquerelle de la République » mais il n’en est rien. Lorsque j’ai ouvert le livre, j’ai été immédiatement bluffée par l’incroyable travail de recherche de l’auteur, par la précision des informations. Ce livre est étonnant ! Erwan L’Eléouet fait parler de nouveaux témoins, déterre des documents inédits, a rencontré trois des « filles » de Madame Claude. Dominique, Hélène et Maïté, aujourd’hui âgées de soixante-dix à quatre-vingts ans, lui ont confié leur vie avec une telle sincérité, que certains passages m’ont émue aux larmes.
J’ai récemment eu l’immense plaisir de rencontrer l’auteur lors d’une dédicace au Press-Book Perros-Guirec. L’écrivain nous offre un nouvel éclairage sur cette célèbre marchande de voluptés, sans fard et sans concession. Une belle rencontre que j’ai envie de partager avec vous aujourd’hui…
Trois questions à Erwan L’Eléouet
Qui êtes-vous Erwan L’Eléouet ? Parlez-moi un peu de votre parcours
Je suis né à Lannion dans les Côtes d’Armor. Après des études de Lettres Modernes à Rennes, un cursus « Information-Communication » à Roubaix, une licence et une maîtrise de Communication Politique à la Sorbonne, j’ai fait mon service militaire dans l’armée, la Marine exactement. J’avais la charge de la revue de presse à présenter chaque jour aux amiraux. J’y ai appris la rigueur militaire. Rigueur que je mets aujourd’hui au service de ma vie professionnelle et de l’écriture bien sûr.
La vie étant faite de rencontres, j’ai croisé la route de Bernard Matignon (journaliste et romancier). Il m’a permis d’affirmer ma volonté d’intégrer le monde de l’audiovisuel, d’organiser des plateaux pour Les Ecrans du Savoir, de faire mes preuves au Salon du Livre de la Jeunesse de Montreuil.
C’est ainsi que le 31 décembre 1999, j’ai obtenu mon premier contrat de six mois à la Cinquième chaîne.
Puis TV Breizh, C’est dans l’Air avec Yves Calvi, M6 où je rencontre Laurent Delahousse qui m’invite à le suivre à France Télévisions pour développer « Un Jour, un destin ». D’abord chef d’édition, j’en suis le rédacteur en chef aujourd’hui. Une magnifique collaboration qui dure depuis dix-sept ans.
Je suis venu à l’écriture en 2014 en publiant chez Fayard une biographie du chanteur Renaud.
Votre livre « Madame Claude, le parfum du secret » publié chez Fayard démystifie considérablement l’idéale Madame Claude. Quelles ont été les différentes étapes de vos investigations pour en arriver à ce portrait si réaliste ?
Vouloir lever les secrets qui entouraient Madame Claude, c’est un défi, une chasse aux trésors. C’est se lancer dans un véritable jeu de piste, parsemé d’embûches et de chausse-trappes.
Ce livre, ce sont deux années de recherches, c’est trouver des documents qui apporteront une nouvelle lumière sur l’histoire, c’est mobiliser beaucoup pour espérer obtenir un peu. J’ai travaillé seul avec ce que l’on appelle des « personnes ressource », des personnes qui ouvrent des portes, donnent des indices.
Cette aventure a démarré en mars 2020, une période dont tout le monde se souvient… les premiers jours d’un long confinement. J’étais en Normandie, j’avais tout mon temps. En octobre 2011, Laurent Delahousse avait consacré « Un Jour, un destin » à celle qui, pendant des années, a assouvi les plaisirs des grands de ce monde dans la plus parfaite impunité. Je savais, au fond de moi, que Madame Claude avait menti, qu’il y avait encore des mystères à exhumer.
Et c’est ce que j’ai tenté de faire. Retrouver sa fille, née en 1942 dans le plus grand secret au Pays Basque, confiée à sa grand-mère maternelle. Fouiller dans les archives de guerre, apporter un nouvel éclairage à la mort de son père, rassembler les témoignages judiciaires, policiers et pénitentiaires, me plonger dans les archives départementales et celles plus personnelles de cette marchande de rêves.
Il me fallait instaurer un vrai climat de confiance avec les « filles » de Madame Claude. Trois d’entre elles se sont confiées à moi, m’ont raconté des séquences, des scènes de vie, des détails sur leurs rencontres, leurs voyages, leurs obligations, leur relation à la patronne.
Ce temps de confinement a été un allié formidable. Sachez que j’ai rencontré, écouté, interviewé une centaine de personnes pour nourrir le livre que vous avez entre les mains. Des rencontres riches d’enseignement, des personnes « clé » dans la vie et le parcours de Madame Claude.
L’une de ces personnalités, nous l’appellerons « Monsieur X », a été fondamentale dans l’avancement de mes recherches. Plusieurs mois furent nécessaires pour l’approcher et le rencontrer. Puis la confiance s’est instaurée entre lui et moi. Il m’a, à la fin de nos échanges, fait le plus beau compliment à mes yeux : « Vous auriez pu faire partie de mon équipe » m’a-t-il lancé en souriant.
Paolo, coiffeur à Nice, fut lui-aussi déterminant dans ma quête de vérité. Il m’a aidé à prendre contact avec sa fille. J’avais tellement envie d’entendre ce qu’elle avait en elle, d’échanger avec elle.
Juin 2022. J’ai enfin son numéro de téléphone. J’envoie textos, vœux, messages… qui restent sans réponse jusqu’au jour où je l’appelle et qu’elle décroche. C’est une grande tristesse qui s’est dégagée de notre conversation. Difficile de trouver la part d’humanité que pouvait avoir Madame Claude, sa mère.
Des projets pour 2023 ?
Faire le deuil de Madame Claude.
J’ai évidemment soumis Erwan L’Eléouet au célèbre questionnaire de Proust. Il s’est prêté au jeu avec beaucoup de spontanéïté. Je l’en remercie.
Informations pratiques
Madame Claude, le parfum du secret (Fayard) est en vente en librairies, sur fnac.com, amazon.fr
A Perros-Guirec : Press-Book. 14 place de la Mairie. 22700 Perros-Guirec.
Prix France : 20 €
Pour célébrer joyeusement Noël, je vous invite à me suivre sur Instagram @les_papotis_de_thalie pour gagner deux exemplaires de ce livre passionnant. Restez connectés mes petits papoteurs, vous allez être gâtés !