« Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous-mêmes ! » Marcel Proust (1871-1922)
Ma passion pour les belles histoires, les intenses sagas familiales ne vous aura pas échappé, à vous qui me suivez depuis quelques mois déjà. Curieuse, fouineuse, papoteuse… je déambule dans les rues à la recherche d’une idée, d’une rencontre, d’une émotion, d’un partage… Sentiments comblés lorsque j’ai récemment franchi la porte de la Galerie Terre d’Ici à Perros-Guirec, charmante station balnéaire au cœur de la Côte de granit rose. Rencontrer Alain Ropars, propriétaire de la galerie, fut un véritable voyage. Portrait…
Galerie Terre d’Ici, un manoir devenu galerie d’art
Etienne Bouillé (1858-1933), peintre-sculpteur, s’installe en famille à Perros-Guirec en 1914. Il n’aura de cesse de peindre les paysages bretons qui l’inspirent des côtes de Perros à Ploumanac’h. En 1925, son fils James (on prononce Jam), architecte breton, construit pour son père le Manoir de Ker Iliz, sur l’actuelle rue du Général de Gaulle. Il y ouvre une grande galerie d’art où touristes et locaux se côtoient de manière assidue. Décédé en 1933, c’est à son fils James que revient l’édifice.
James est l’initiateur en 1923 du mouvement artistique Ar Seiz Breur avec Jeanne Malivel et René-Yves Creston. Il est l’un des rénovateurs de l’art sacré breton : crosses, croix, et aussi du patrimoine artisanal : faïencerie, céramique, broderie et ébénisterie. Entre 1924 et 1935, il est architecte à Perros-Guirec où il développe une importante activité de constructions de villas.
Il meurt à Malatroit en 1945.
Galerie Terre d’Ici, une affaire familiale
Pierre Ropars, le père d’Alain, ingénieur et violoniste, s’installe à Perros-Guirec après guerre (1945). Il se marie en 1945, juste après la libération et acquiert alors le Manoir Ker Iliz pour y développer une quincaillerie dans les années 50. Il convient de se replacer dans le contexte de l’époque où tout était à reconstruire après cette longue période sombre. Il fallait répondre à la demande de l’utilitaire. Pierre Ropars fera de son activité une entreprise florissante jusqu’au milieu des années 60. En 1970, il associe ses deux fils, Alain et Jean-Claude, à son projet de développement.
S’agrandir devenait une nécessité. En acquérant plusieurs immeubles voisins, la famille Ropars développe alors un complexe commercial innovant et avant-gardiste pour l’époque. L’affaire familiale devient très rapidement un lieu de rencontre pour les locaux, les touristes de plus en plus nombreux, les artisans, les artistes, les lanceurs de mode…
En 1968, alors que la France s’inventait un nouveau visage, Alain Ropars était un des derniers étudiants à aller encore au lycée. « Je n’étais pas révolutionnaire » affirme t’il en souriant. « Ma révolution, je l’ai faite autrement. A ma façon« . Fort de ses convictions, il crée le « cachot« , un lieu underground en sous-sol du Manoir, où exposent artisans et artistes. « Un acte d’éclat » de l’actuel propriétaire de la galerie, une manière d’affirmer sa personnalité créative, sa passion pour l’art, son ambition de découvrir et faire découvrir des artistes puissants, dans une mixité de styles, de couleurs, d’ambiances.
Alors que ses parents proposaient au public des articles raffinés, des objets luxueux (porcelaine fine, verres en cristal, arts de la table), Alain, lui, s’inscrivait dans la tendance des années 70. Retour à la nature, matières naturelles (laines d’Irlande), utilisation du grès, de l’ardoise, des tomettes, des peaux de vache en guise de tapis. C’est l’époque du « revival », souligne Alain, une époque où artistes, artisans, céramistes, sculpteurs, souffleurs de verre, ferronniers, reviennent à la mode. Il avait bien senti le virage que prenait la tendance. Il proposait des pulls irlandais, du mohair, des tissages ethniques, des bijoux de créateurs, le tout dans un décor psychédélique fort propice à l’époque.
Des milliers de personnes se pressaient au cachot, une sorte de « place to be » ! C’est ainsi qu’Alain Ropars a fait sa révolution !…
Galerie Terre d’Ici, une galerie qui fait du bien
Le propriétaire des lieux l’affirme haut et fort, ses choix se portent plus favorablement sur des artistes qui font du bien, déjà connus ou en devenir. Il aime donner une visibilité à des artistes prometteurs, au talent véritable. Il aime les artistes qu’il expose et leur offre une place de choix, un véritable espace mettant en lumière l’Adn des créateurs. Chaque rencontre est un coup de cœur, un partage, un geste de générosité. Un hasard parfois, une recherche, une inspiration ! Une chose est certaine, Alain Ropars sait parler de ses artistes.
Il me parle de Thierry Devouassoux, artiste plasticien, originaire de la vallée de Chamonix et vivant entre la Corse et la Bretagne. Un contemplatif qui a plaisir à saisir la lumière. Il se sert de ses toiles pour nous offrir une ambiance pleine de sérénité et de douceur. Sa peinture invite aux vacances et aux jours heureux.
Il me parle de Thoma Ryse, artiste-peintre, sculpteur, originaire de Toulouse. L’artiste a choisi avec son épouse Maryse de s’installer près de Paimpol il y a 18 ans. Une rencontre assez récente mais saisissante. Son univers contemporain, éclatant de joie, d’explosion de couleurs, nous donne une chance de recréer en pensées la vie.
Il me parle de Patrice Cudennec, artiste-peintre breton, céramiste, graveur, sculpteur, ami du galeriste depuis plus de vingt ans. L’artiste s’exprime dans un univers coloré où tendresse, joie de vivre, émotions et poésie s’entremêlent avec force et bonheur. De Pont-Aven à Essaouira, il n’y a qu’un océan…
Il me parle aussi de Seb, artiste-plasticien contemporain inclassable. Didier Simon évoque l’artiste dans une entité, le Sebarisme. « Ce n’est ni plus ni moins qu’une recette faite d’une pincée de Seb à laquelle s’ajoute un soupçon de barbarisme« … La Galerie Terre d’Ici accueillera à l’automne 2018 une exposition exceptionnelle de l’artiste, un travail autour de peuplades imaginaires : HUMANATURA.
Le galeriste passionné m’aurait volontiers parlé de tous les artistes qu’il expose mais il me fallait faire des choix… Ce sont mes émotions qui parlent ! Dans cette saga de fin d’été sur le blog, mes prochains portraits seront consacrés à Thoma Ryse dont le travail me fascine. A Seb, qui a particulièrement éveillé ma curiosité. A Patrice Cudennec, qui a ouvert grand les portes de ma sensibilité. A Virginie Matz (photo de couverture) qui enchante mes pupilles de ses créations si joyeuses !
Alain Ropars, un récréateur qui chante et enchante !
Lorsque je suis entrée dans la galerie, j’ai immédiatement été aspirée par le foisonnement, l’abondance et la diversité des œuvres exposées. Sur 250 m², la galerie offre au public spectateur un choix d’artistes-peintres, sculpteurs, plasticiens bretons. Il y règne un désordre qui n’est qu’apparent, le galeriste sachant parfaitement mettre en scène ses découvertes artistiques. Celui-ci nous invite au voyage, à la curiosité, à l’émotion, il nous dévoile des secrets, des vies d’artistes.
Alain Ropars, accompagné de son épouse Michèle, se définit tel le « récréateur » des lieux. « C’est pendant la récré que l’on pense aux vraies choses« . Il évoque avec gourmandise ces petits moments divins de liberté, temps des rires et des sucreries. Très charismatique, le maître des lieux se donne, échange, partage, explique… « Je chante et j’enchante », tel un chef d’orchestre. Les mots, il faut les dire, il faut les jouer ! S’impliquer encore et encore, lutter contre l’indifférence, donner, transmettre…
Des projets, Alain ?
2018 marquera un tournant vers davantage d’art contemporain. Une manière de casser un peu les codes plus conventionnels. L’arrivée de Thoma Ryse dans la galerie en est une illustration. Un espace important est dédié à cet artiste mêlant raison et émotion. D’autres artistes comme le plasticien Seb, comme le sculpteur Joh, Annie Juillet, Marie-France Cadiou, s’exprimeront en toute liberté dans ce lieu d’art.
Alain Ropars aimerait aussi présenter le magnifique travail de Leyto. Issu de la scène graffiti de la fin des années 90, Leyto étale ses créations aussi bien sur toile que sur les murs des rues, friches industrielles, usines désaffectées et autres supports croisant sa route…
« Il faut répondre aux attentes d’une clientèle plus jeune« . Tel un gardien de phare, Alain Ropars est prêt à affronter ces nouveaux challenges ! Et s’est prêté avec méthode au célèbre questionnaire de Proust… Merci cher Alain de m’avoir consacré un peu de votre temps si précieux !
Votre qualité préférée chez un homme ? La générosité
Votre qualité préférée chez une femme ? L’élégance
Votre principal défaut ? Effrayé par le quotidien, terrorisé par l’ennui
Votre occupation préférée ? Le travail
Votre rêve de bonheur ? Essaouira…
Ce que vous voudriez être ? Je suis bien comme je suis
Votre couleur préférée ? Framboise
Votre fleur préférée ? Le pois de senteur
Votre oiseau préféré ? L’étourneau
Votre auteur préféré ? Jack Kerouac
Votre prénom favori ? Bleunvenn (prénom de ma fille)
Ce que vous détestez par-dessus tout ? La méchanceté
Le don de la nature à avoir, selon vous ? Il faudrait commencer par la comprendre…
La faute qui vous inspire le plus d’indulgence ? La médiocrité
Votre état d’esprit actuel ? Porté vers beaucoup d’espoir
Votre devise ? Araok Bepred… Toujours aller de l’avant
Vous aimeriez mourir ?… Si la vie est éternelle, ok !