L’histoire que tu vis, celle de chaque jour, est simple, donc incompréhensible. Aucun livre n’en fait mention, aucune lanterne de papier ne l’éclaire… Regarde. L’essentiel est dans ce que tu oublies et qui se tient devant toi. C’est par l’infime que tu trouveras l’infini, par ce calme regard sur l’ombre bleue, peinte sur une tasse de porcelaine blanche » Christian Bobin
Pascale Morin, artiste par nature
C’est une artiste instinctive et passionnée que j’ai eu l’immense plaisir de rencontrer il y a quelques semaines dans son atelier parisien niché au cœur du XVIème arrondissement. Une artiste emprunte de ses origines bretonnes, costarmoricaines devrai-je même préciser, celle-ci ayant posé ses valises près de Paimpol.
La céramiste y puise son inspiration… celle des contrastes que nous offre notre belle Bretagne avec ses tempêtes, ses embruns vivifiants, sa météo pour le moins contrastée, son incroyable énergie, sa nature époustouflante, ses couleurs uniques au monde.
C’est un retour à la terre dans une opposition de délicatesse et de rudesse que suggèrent les œuvres de Pascale Morin.
Les Papotis de Thalie ont aimé… Portrait…
Pascale, comment vous vient l’idée d’une création ?
« C’est une vague qui vient de loin«
Tout commence par une sensation, la vue de quelque chose, un détail, une pensée, un mot, un son, un peu d’air. Tout est léger, furtif, les pensées abondent, s’intensifient, tournent, circulent à tout moment, cachées dans un coin de ma tête. Elles sont prêtes à surgir à chaque moment, n’importe où, n’importe quand, toujours rapidement, en un instant.
Une idée, une image en amène une autre, enrichie de détails et d’autres pensées, de matières, peut être d’odeurs, les sens sont en éveil. Il flotte de l’effervescence, du merveilleux, capable de me réveiller au point de tout laisser tomber tout affaire cessante pour croquer ces instants imaginaires, créatifs, stimulants, excitants et un peu effrayants par leur puissance, leur vivacité.
C’est une vague qui vient de loin, qui se nourrit de tout, qui transporte la mémoire, elle s’échoue violemment ou tranquillement, toujours apaisée mais concentrée. C’est le début, ça commence !
Vous avez choisi la terre (porcelaine). Vous l’aimez pour sa finesse, sa simplicité, sa malléabilité… Racontez-nous…
« La terre est moi nous connaissons bien, elle est aussi vivante que moi mais a parfois mauvais caractère«
Cette idée, cette sensation que j’évoquais précédemment se concrétisent sur le papier, n’importe quel papier… un carnet, les dernières pages d’un livre, une liste de course jusqu’au petit ticket de métro.
Mais l’urgence est là. Il ne faut pas oublier, il faut imprimer quelques traits au crayon sans effacer, c’est un jet, une trace, c’est un début, peut être la naissance d’une pièce « merveilleuse ». Je la garde en moi quelque part, toujours dans un coin de ma tête. Elle a déjà laissé son empreinte.
Puis vient le jour où devant ma table l’idée doit germer. Grandir, éclore, devenir.
L’impatience est encore là, à tel point que j’emporte souvent avec moi dans mes séjours en Bretagne un pain de terre au cas ou l’idée surgirait du bout de mes doigts.
Installée à ma table, mes planches et mes petits outils à porter de main, un bol d’eau et de barbotine à droite, non à gauche, sous la lumière de mes deux lampes d’atelier, je m’y mets. La musique m’accompagne.
C’est un instant «magique», seule face à ce pain de terre humide, le croquis, n’est pas loin au cas ou, mais je ne le regarde pas.
C’est ainsi que ce pain de terre grège, humide et malodorant pour certains, sorti d’un plastique prend vie. Mes mains, mes doigts, mes bras comme téléguidés montent ma pièce, la façonnent. Je lui donne sa forme, la malaxe, l’étire, la roule, la déroule, la pique, la strie, la déchire même, c’est doux, joyeux parfois, mais aussi violent.
La terre est moi nous connaissons bien, elle est aussi vivante que moi mais a parfois mauvais caractère, si
je ne la respecte pas elle n’en fera qu’à sa tête, c’est un échange, un dialogue.
Cette terre me ressemble un peu.
Expliquez-nous Pascale comment naît une pièce si délicate entre vos mains ?
« Finalement, c’est comme un gâteau que l’on met au four après avoir léché le plat pour en imaginer le goût«
Elle est née d’une idée, d’une image, d’un son, d’un mouvement; c’est charnel. Il faut la créer avec ce pain de terre nu, plutôt gris. Cette idée prend forme, je la modèle, l’imagine, la force à devenir. Une forme globale d’abord, un volume.
Je la soupèse, l’observe, l’adopte. J’imagine sa structure, son corps, je la regarde, l’observe, la contourne et la modèle encore. Tout est mouvement, caresses, étirements. La forme se concrétise, quelques temps de repos pour le séchage, je la griffe, l’enduis de barbotine, colle ou décolle, place et replace, tout est mouvement sur la tournette, je la vois de tous côtés, elle naît sous mes doigts.
Je l’imagine déjà finie, elle sera belle. Je l’espère déjà aimée par le regard des autres.
Puis vient le moment de l’enfournement, un frémissement et une inquiétude suivi d’une excitation surgissent . Finalement c’est comme un gâteau que l’on met au four après avoir léché le plat pour en imaginer le goût. Elle sortira biscuitée, moins fragile, encore poreuse, prête à être encore embellie par l’émail.
Je pose l’émail sur la pièce par petites touches au pinceau. Ainsi, comme la rosée du matin, elle scintillera à la lumière du soleil.
Deuxième enfournement, même frémissement, inquiétude et excitation, mais cette fois ci, c’est la dernière étape.
48 heures, c’est long, c’est une attente, un moment important, un rendez-vous.
Je la sors, je suis heureuse, contente, émue même. J’espère qu’elle sera désirée et aimée.
Quand elle partira, elle emportera un peu de moi…
Votre qualité préférée chez un homme ? La douceur
et chez une femme ? Son esprit
Votre principal défaut ? L’impatience
Votre occupation préférée ? La céramique
Votre rêve de bonheur ? Etre face à la mer
Ce que vous voudriez être ? Une mouette
Votre couleur préférée ? Bleu breton
Votre fleur préférée ? Le camélia
Votre oiseau préféré ? La mésange
Votre auteur préféré ? Christian Bobin
Votre prénom favori ? Melchior
Ce que vous détestez par-dessus tout ? La méchanceté
Le don de la nature à avoir, selon vous ? Musicienne
La faute qui vous inspire le plus d’indulgence ? –
Votre état d’esprit actuel ? Heureuse !
Votre devise ? –
Vous aimeriez mourir ?… Non !
L’exposition VASES EN FLEURS présentera du 15 au 31 mars 2019 une sélection d’œuvres de l’artiste au Lavoir Céramique – 3, rue de Bièvres – 92140 Clamart
Une exposition à ne pas manquer !
Pascale Morin
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